LA PEUR DES AUTRES

Magali MORENO, Septembre 2018

 La peur des autres est fréquente pour beaucoup d’entre nous. Elle est parfois difficile à dépasser et entrave le quotidien de ceux qui en souffre. Apprenons avec cet article ce qui est « normal » et ce qui l’est moins et essayons de décrire des astuces pour mieux fonctionner avec les autres au quotidien.

 

QU'EST-CE QUE LA TIMIDITE ?

Reportons-nous pour commencer au dictionnaire de français Larousse va nous donner une première idée de ce qu’est la timidité. Nous pouvons y lire :

Manque d’assurance, de hardiesse, dans ses rapports avec autrui

Manque d’audace dans une action ou une réalisation : « architecture d’une grande timidité »

Nous comprenons déjà grâce à cette définition plusieurs éléments de la timidité :

D’abord, le Larousse tend à introduire une dimension psychologique à la timidité : le manque d’assurance renverrait une faille dans la confiance en soi qui est accompagnée, généralement, de pensées négatives : « on va me poser des questions et je ne saurai pas répondre », « tout le monde doit me trouver ennuyeux ».

Pour poursuivre, c’est la dimension sociale de la timidité qui est abordée : c’est dans les rapports avec autrui qu’elle prend place. Elle se manifeste à la perspective de se soumettre au regard de l’autre.

Enfin, nous apprenons que la timidité impacte nos comportements : cette faille impacte notre capacité à entrer dans l’action et notre performance. Face à l’autre, des maladresses peuvent survenir, ou encore la paralysie ! Il arrive également que le timide anticipe les situations gênantes et mette en place des stratégies d’évitement (par exemple baisser les yeux ou changer de trottoir pour ne pas avoir à dire bonjour).

Cette définition est un bon commencement pour aborder la question de la timidité. Toutefois, nous avons tous connu au moins une situation de malaise en société qui nous permet de constater que la timidité revêt d’autres composantes :

Au niveau émotionnel, la personne ressent une gêne, un embarras, une inquiétude et une anxiété liée à la peur d’être mal jugée, de mal faire, de dire des sottises… Les situations sociales et leurs incertitudes la place en situation de stress.

Au niveau physique, la timidité se manifestera au travers des réactions corporelles typiques du stress : rougeurs (oreilles, joues), difficultés d’élocution (gorge nouée, bafouillements), sueurs, bouche sèche, accélération du rythme cardiaque, de la respiration…. L’intensité de ces réactions est très variable d’une personne à l’autre. Elles peuvent être invisibles au regard extérieur. Ce sont les symptômes visibles qui sont le plus redoutés et qui viennent augmenter le sentiment de gêne.

Enfin, au niveau de la durée du phénomène, la timidité est marquée par son caractère permanent.

 

QU'EST-CE QUE N'EST PAS LA TIMIDITE ?

La timidité est une manifestation anxieuse qui relève de la gêne quotidienne, dont les impacts sont modérés, et qui reste considérée comme bénigne. La personne est freinée par ses actions mais elle conserve un équilibre de vie. Elle conserve le désir d’être accepté.

La timidité ne doit d’abord pas être confondue avec le trac. Le trac est une réaction d’appréhension, pouvant aller jusqu’à la crise, de courte durée et qui est toujours préalable à un évènement. Il démarre peu de temps avant et disparait une fois l’évènement passé.  La récupération est assez rapide. Le trac se présente en amont d’une famille d’évènements particuliers : prise de parole en public, spectacles, RDV important et à fort enjeu comme un entretien de recrutement, un oral d’examen, ou un RDV avec une personne considérée comme importante.

La timidité ne doit pas non plus être assimilée à la phobie sociale qui est une forme pathologique d’anxiété. Comment la différencier de la simple timidité ? Etes-vous timide ou phobique social ?

 

QUAND CELA DEVIENT-IL PATHOLOGIQUE ?

En présence des autres, votre peur est d’être ignoré ou jugé négativement. Vous gardez l’envie d’aller vers les autres et avez plaisir à faire partie d’un groupe. La conversation se fait de plus en plus facilement au fur et à mesure de vos rencontres avec les mêmes personnes et vous vous sentez progressivement plus à l’aise. Lorsque vous n’avez pas à faire le premier pas, cela vous rassure et le contact est facilité. Vous êtes TIMIDE !

 

En présence des autres, votre peur est de subir une agression ou une violente humiliation. Cette crainte est dominante, aussi vous préfèrerez que l’on vous oublie plutôt que d’être accepté. Vous paniquez littéralement à l’idée même de nouvelles rencontres. Lorsque quelqu’un fait un premier pas vers vous, vous êtes angoissé et pouvez imaginer les pires intentions. Vous anticipez les contacts avec les autres, les éviter est la seule solution pour vous. La vie quotidienne est très impactée, chaque démarche au contact d’autrui devient une véritable épreuve difficilement surmontable. Vous souffrez alors probablement d’une phobie sociale.

 

COMMENT APPRIVOISER SA TIMIDITE ?

La timidité ne requiert pas de traitement médicamenteux. Le médecin pourra à l’aide d’un interrogatoire précis et minutieux évaluer s’il s’agit d’une phobie sociale, auquel cas un traitement pourra être proposé.

Tout le monde possède en soi les ressources pour apprivoiser sa timidité. Ce n’est pas une fatalité ! Au besoin, un psychologue thérapeute pourra accompagner pour aider à la découverte de ces ressources et pour donner des outils efficaces au quotidien.

Voici d’abord quelques conseils pour gérer sa timidité sur le moment, lorsque vous en ressentez les effets :

Respirer calmement, lentement pour adresser des signaux de calme à votre organisme et ralentir ses réactions d’alarme.

Diriger votre attention sur autres choses que sur votre gêne. Déplacez le projecteur ! Activez tous vos sens pour percevoir la scène qui vous entoure : les bruits, les parfums, les éléments qui vous entourent, touchez les matières. L’idée est de s’ouvrir pour se décentrer de ses sensations internes de malaise.

Soyez curieux. Faites parler les autres et prenez du temps pour les écouter. Relancez la discussion, invitez à approfondir les propos. Cela vous aidera à vous décentrer de votre angoisse de n’avoir rien à dire ou d’être inintéressant.

Participez à l’activité et cherchez à vous rendre utile. Débarrassez la table, discutez et jouez avec les enfants pour les occuper, proposer les biscuits apéritifs aux convives… Cela vous permettra de ne pas rester paralysé et de marquer votre présence auprès des autres sans pour autant avoir à vous exprimer.

Mais comment agir pour améliorer durablement votre quotidien ? Voici quelques pistes.

 

·       Se relaxer et apprivoiser ses émotions.

La timidité est une réaction anxieuse, liée au stress, qui mêle à la fois l’envie et la crainte. Nous savons que plusieurs techniques aident à identifier ses états internes et à apprivoiser les manifestations physiques et émotionnelles du stress. Ces techniques sont multiples : respiration, relaxation, sophrologie, méditation, yoga.

Ces techniques permettent de mieux ressentir son corps et de se relaxer. La sophrologie, par exemple, vous apprendra à vous détendre, à développer la conscience de votre schéma corporel, à prendre du recul et à porter le regard sur le positif de la situation.

Elles peuvent être pratiquées seules ou guidées au début par un professionnel. Avec l’entraînement, vos réactions se feront moins intenses.

 

·       Apprendre à ne pas fuir

La tendance des personnes timides est d’éviter les contacts avec l’entourage. Elles ne lèvent pas la main en classe, elles évitent de prendre la parole en réunion, garde le nez dans leur assiette au cours d’un repas.

Continuer à éviter ce contact avec les autres n’est pas une solution pour apprendre à apprivoiser son angoisse. Nous l’avons vu, la timidité diminue lorsque les situations deviennent familières. Pour cela, il faut oser et s’exposer, se jeter à l’eau, mais graduellement bien sûr !

Pour commencer, tentez de faire le point sur les situations très concrètes dans lesquels vous ressentez les signes de votre timidité.

Partant de cette liste, hiérarchisez ces situations de la moins intimidante à la plus intimidante.

Commencez par la situation la moins intimidante, réfléchissez à un scénario et lancez-vous ! Si nécessaire, faites-vous aider par un proche avec qui vous pourrez répéter la scène et qui pourrait peut-être vous rassurer en vous accompagnant.

Allez-y progressivement en vous fixant des étapes réalistes. Ne fixez surtout pas la barre trop haut tout de suite au risque de perdre votre motivation. Ne passez à l’étape suivante que lorsque vous réactions et vos compétences sont maîtrisées.

Vous êtes inquiet à l’idée d’engager la discussion en soirée avec une personne qui vous plairait ?

Peut-être pourriez-vous vous lancer des défis intermédiaires ? Demandez l’heure à des inconnus dans la rue. Demandez un renseignement à un commerçant. Echangez un sourire en attendant son tour à la caisse de la boulangerie, et engagez la discussion sur la météo.

A chaque défi, relevez ce qui a fonctionné et comment vous vous sentez pour renforcer votre estime. Dans cette évaluation, restez bienveillant avec vous-même, patient et amical.

Recommencez, entraînez-vous le plus souvent possible pour progresser. Ce n’est pas parce que cela s’est bien passé pour vous une fois, que vous avez réussi à balayer votre timidité !

 

·       Voir les choses autrement

Apprenez à identifier vos croyances et pensées négatives et à les critiquez pour faire baisser votre gêne.

« Je n’ose pas adresser la parole à cette personne attirante. Je vais bafouiller. Je n’ai pas du sujet de conversation intéressant à proposer. Elle va me trouver nul. Ça ne sert à rien. »

Allons-y !

« Je vais bafouiller. » Quel est le risque pour que je bafouille vraiment ? Cela arrive à tout le monde de prononcer un mot de travers. Va-t-elle seulement le remarquer ? Et puis, est-ce si grave si je prononce un mot de travers ?

« Je n’ai pas de sujet de conversation intéressant. Elle va me trouver nul. » Les conversations mondaines sont-elles toujours exceptionnellement intelligentes ? Ne parle-t-on pas la plupart du temps de choses finalement assez banales ? La météo, les vacances, la durée du trajet pour aller à son travail, … ? Les personnes se montrent-elles insatisfaites de ces discussions ? Ne pourrais-je pas orienter la conversation sur cette personne en lui demandant ce qu’elle fait dans la vie, d’où elle vient, qui l’a invitée, … ?

« Ça ne sert à rien. » Et si la conversation de ne prend pas, quel est vraiment le risque ? En quoi est-ce si grave ? Le seul vrai risque serait de passer à côté de l’opportunité de faire une belle connaissance !

 

·       Mieux communiquer

Vous ne manquez ni de culture, ni de sujets de conversation et pourtant, c’est toujours la même chose, vous ne savez jamais quoi dire, ni comment, ni à quel moment !

Apprendre à communiquer, sereinement, ce que vous pensez, ce que vous ressentez, ce que vous souhaitez vous permettra de mieux vivre votre quotidien.

-        Commencez par écouter :

La communication est une transaction entre un émetteur et un récepteur. Pour que cette transaction soit possible et efficace, il faut commencer par développer « l’art de l’écoute ».

Restez actif dans votre écoute : montrez que vous écoutez en hochant la tête, reformulez et cherchez à approfondir. Rebondissez plutôt que d’anticiper sur la prochaine étape de la discussion. Décentrez-vous en portant une pleine attention à votre interlocuteur.

-        Positionnez-vous dans la discussion :

Exprimez ce dont vous avez envie ou besoin et ce que vous pensez, clairement, en utilisant des phrases commençant par « je ». « Oui, j’aimerai aller voir ce film » plutôt que « oui, on pourrait faire çà si tu veux » lorsqu’on vous demande si cela vous plairait d’aller au cinéma. Communiquez ce que vous ressentez.

Pensez également à engager le corps dans la discussion, avec des gestes non verbaux, ou encore votre regard. Cela vous permettra de mieux prendre place dans l’échange. Les interlocuteurs d’une conversation sont toujours très sensibles au non verbal qui véhicule beaucoup d’informations et vous-même vous sentirez plus confiant en adoptant une posture souriante et assurée.

-        Soyez précis dans vos demandes :

Essayez d’évoquer vos besoins pour qu’il soit compris par les autres. « J’aimerais que vous me préveniez plus tôt s’il y avait des modifications de planning, cela me permettrait de mieux organiser mon travail »

-        Ne vous précipitez pas pour en finir plus vite :

Laisser des silences permet d’intégrer le contenu des échanges. N’en ayez pas peur, ils sont amicaux !

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Avec ces quelques pistes à mettre en pratique, vous pourrez apprivoiser votre timidité dans votre quotidien. Si vous n’y parvenez pas seul, se faire accompagner par un professionnel psychologue ou thérapeute pourra vous aider.